Ça y est. Il a appuyé sur LE bouton.
Il : mon mari.
LE bouton : Confirm now.
Et nous voici à l’annonce du second tome des Feux de l’amour 2.0 : Mon homme et la e-machine.
Le tome 1, vous ne l’avez pas lu. Moi, je l’ai vécu.
J’aurais du me méfier. Mon mari a une vie secrète. En mars 2014, au salon de l’auto de Genève où nous allions presque par hasard, « voir un peu ce qui se fait » me disait-il, nous sommes, comme c’est curieux, tombés quasi directement sur le stand TESLA. Géostratégie. « Ah ben ça alors… Mais si, c’est la marque américaine, la voiture 100% électrique, je t’en ai déjà parlé et bla bla bla… ». Depuis plus de six mois qu’il avait découvert la voiture et qu’il s’en s’était entiché.
Deux belles bagnoles exposées, c’est vrai, rouge tentation à défaut de pin-up pour les promouvoir. Ce qui vaut mieux, les bimbos ça ne passe pas terrible auprès du public féminin. Juste à ce moment, « Pfouit », ajoutez dans le décor un conseiller charmant,« Vous avez un peu de temps ? », tentateur « Ça vous dirait de l’essayer ? », efficace. Banco. Je n’ai entendu ni cri de vierge effarouchée, ni la moindre hésitation quant à l’heure qu’il était ou à ce que nous avions prévu ensuite. Pourtant nous devions retrouver des amis que nous aimons bien.
Et là, dans le parking enténébré de Hall Expo, ce n’est pas une portière de voiture qu’il a ouverte mon mari, c’est une porte vers un autre monde qu’il a franchie. Marabouté mon doudou ? Pas loin. Envouté sûrement. Mais pire encore : convaincu. Acompte de réservation versé de suite, lui qui met trois plombes à choisir entre un concombre et une courgette.
Depuis ce voyage dans une autre dimension, la science-fiction c’est chez nous. Deux mondes parallèles.
L’ordinaire, métro – sauf qu’il travaille à domicile et qu’il échappe à cette contrainte-, boulot –ça c’est incontournable, dodo –incontournable aussi. Et l’autre univers dans lequel il s’échappe dès que les pesanteurs quotidiennes se font trop lourdes, ranger ses chaussures, débarrasser la table, supporter les insupportables… Une adresse, un clic et l’univers Tesla s’ouvre à lui. Il se redresse sur son siège, se penche vers l’écran et c’est parti.
Ses premiers pas furent sages et mesurés. Découverte du site, des galeries photos, le classique. « Qu’elle est bêêêlle ». Engouement pour les didacticiels proposés –et pourtant son anglais... La curiosité s’aiguisant, on passa aux recherches techniques hors Tesla, les sites traitant de l’électrique, ceux exposant les modes de charge, ceux calculant les consommations. « Qu’elle est bien ».On installa une alerte Google pour que tout soupir émis à Palo Alto se fasse murmure sur nos écrans. « Topissime ». Puis vint la profusion des super chargeurs, attendus comme des cèpes après une bonne grosse pluie. Et à chaque nouvelle installation, une nouvelle idée de trajet possible, de voyage envisagé.
Je ne vis pas un jour, pas une demi-journée sans mon flash-info Tesla. Elon Musk –quel type !-, la société, les équipements, les nouveautés, les garanties, les branchements, les concessions… D’autant que mon homme longtemps lecteur assidu des blogs s’est mis à écrire lui aussi. Et à échanger. De la projection complète. Des mecs qui n’ont pas encore leur bagnole mais qui tous pensent déjà à comment l’utiliser et à se rencontrer parce que quand même c’est trop chouette d’avoir la même géniale super bagnole ! Je dors à côté d’une encyclopédie Tesla qui me dit ces derniers temps, se réveiller la nuit sans savoir pourquoi. Moi je pense qu’il rêve au volant de son Model S et comme il ne peut pas faire « Vroum, vroum » ça perturbe le songe.
Cette attente de voiture, c’est pire qu’une grossesse. D’abord, pour nous –leasing de la précédente en cours- ça dure plus longtemps. Et ça, c’est moche ! Bien qu’avec le succès actuel, les délais de fabrication de cet OVNI aillent peut-être finir pas atteindre ceux d’un petit d’homme.
Mais un bébé, c’est simple. Une fois en route, il se fait tout seul. Y a pas d’options qu’on puisse changer. On prend ce qui arrive. Ensuite, certes, on peut discuter. Biberons, couches… Quelles marques, quels équipements périphériques. Mais on s’éloigne du bébé lui-même.
Alors que la Tesla c’est non seulement les questions classiques pour un véhicule destiné à vous transporter pendant… Au fait, avez-vous déjà calculé le temps que vous passiez dans votre voiture pendant un an ? Faites-le. Précisément. Additionnez tous vos trajets et le temps qu’ils vous prennent. Au risque que le résultat vous donne envie d’investir dans une chouette voiture plutôt que dans une résidence secondaire !
Là, je me suis un peu égarée. Revenons donc à la décision d’acheter la belle voiture et aux choix que cela implique, puissance, couleur, équipement, options diverses. Rien d’original. Mais la Tesla c’est aussi comment l’alimenter, quelles prises, quelles rallonges, quelles doses, combien de temps entre les biberons. Tiendra-t-elle jusqu’au goûter ? Où trouver des biscuits en route ? Sauf l’épisode du bébé qui pleure la nuit, assez peu envisageable, on retrouve bien l’inquiétude des jeunes parents devant la situation nouvelle. Alors on replonge dans ses lectures. Le « J’élève mon enfant » de Laurence Pernoud devient « J’apprivoise mon Model S » digest de toutes les trouvailles du net. Si je n’avais pas su où se situait la Norvège sur la carte d’Europe, aujourd’hui, dûment renseignée par les études de mon cher et tendre, je peux vous parler de ses problèmes de circulation comme si j’y habitais. « God morgen, velkommen » Ah ces intrépides Vikings. Ils faisaient descendre la terreur de leurs terres glacées à bord de leurs drakkars effrayants, à cette heure ils viennent semer envie et concupiscence au volant de leurs Tesla flamboyantes. Ils repartent à la fin de l’été. Le rêve est passé. Mais ils laissent derrière eux … les super-chargeurs, astucieusement dispersés à leur intention. Et le petit Français, heureux propriétaire d’une Tesla peut à son tour, aller envahir la Norvège. Pour l’instant le quota de potentiels envahisseurs est encore un peu court chez nous. Mais c’est un joli périple en perspective. D’ailleurs, le norvégien ressemblerait un peu au français – mais ça se saurait- que mon homme s’y mettrait je pense. Pour passer des heures à discuter bagnole avec des gens qui ont su d’emblée reconnaître le génie.
Le monde Tesla n’est pas loin du Club des Cinq, du Clan des Sept. Un plaisir enfantin à découvrir, partager. Excitation amusée devant un nouveau jouet dont il va falloir découvrir toutes les possibilités. A y regarder de près, la Batmobile n’est pas loin ! Mais si chacun a la sienne, jouer ensemble, c’est mieux. Comme pour les motards. A quand une poignée de main codée, un signe de ralliement complice ? Est-ce là le secret du bonheur Tesla ? Jouir d’un objet du futur totalement régressif ?
Il a appuyé sur LE bouton.
Taratata, roulement de tambours.
Et comme dans un conte de fées mais par la magie d’un message électronique, Merlin l’enchanteur, pardon, le Delivery Experience Manager a pris contact avec lui pour tout boucler avant l’échéance du terme. La bassine, l’eau chaude… On sera prêts.
Dominique, épouse heureuse du choix de son mari !
NB
Les personnages et les situations de ce récit étant purement authentiques, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que vraie.